Des vacances sobres ? peut mieux faire !
Réalité du réchauffement climatique, guerre en Ukraine, explosion des prix des carburants : au printemps 2022, tous les éléments étaient réunis pour inciter les Français à placer leurs vacances d’été sous le signe de la sobriété. Dans les faits, le bilan reste mitigé.
Au-delà de la seule émotion liée à la tragédie humaine qui se joue à l’Est de l’Europe, l’opération d’invasion de l’Ukraine par l’armée russe déclenchée le 24 février n’a pas manqué de mettre les Français face à la réalité de leur dépendance aux hydrocarbures et à la nocivité de ceux-ci, sur le plan des rapports de forces géostratégiques autant que sur ceux de l’environnement et du pouvoir d’achat. A la clé, la nécessité désormais communément partagée de s’astreindre à une utilisation raisonnée et rationnelle de l’énergie dans tous leurs actes de consommation, qu’ils soient vitaux ou superflus. Et justement, s’il est une dépense non contrainte et planifiable sur laquelle les Français auraient pu s’employer à réduire drastiquement leur empreinte carbone, c’est bien leurs congés d’été. Hélas, à l’été 2022, les vacances n’ont pas vraiment rimé avec « fin de l’abondance ».
Pas de crash pour le transport aérien
Première clé pour des vacances vertes : le choix d’une destination écologiquement soutenable. A ce titre, le baromètre annuel des vacances publié par Ipsos et Europ Assistance en juin 2022 (source) mettait en évidence une progression de +12 points des pays étrangers dans les destinations les plus prisées des Français, qui étaient 40% à déclarer vouloir passer la frontière pour leurs congés, tandis que les intentions pour des vacances franco-françaises ne progressaient que de 2 points, à 56%. Parmi les pays les plus plébiscités, on trouvait le Portugal (5%), l’Italie (8%), et surtout l’Espagne (15%). Un désir d’ailleurs un peu regrettable, alors que la France métropolitaine compte 5.500km de littoral, dont 2.000km de plages (source Wikipedia), parfois éloignées d’à peine quelques heures de trajet des grands bassins de population du Nord du pays, par la route ou le train.
Qui dit séjour à l’étranger dit trajet en avion, et si l’ouverture du barreau Perpignan – Figueras en 2009 a placé la Costa Brava catalane à portée de TGV depuis Paris ou Lyon, la gestion chaotique du service par la joint-venture SNCF-RENFE (Elipsos) n’incite guère les voyageurs à se bousculer pour franchir les Pyrénées en train. Dès lors, c’est bel et bien par les airs que 22% des Français ont indiqué souhaiter rejoindre leur lieu de villégiature, un chiffre en hausse de 6 points par rapport à 2021. Le tourisme aérien de masse est donc loin d’avoir du plomb dans l’aile. Certes, selon les données d’Eurocontrol, 311.813 vols ont été comptabilisés sur le sol français entre les semaines 26 et 35, soit une baisse de – 9,7% par rapport à l’été record de 2019. Mais cette décroissance reste à relativiser en comparaison des niveaux de baisse du trafic aérien supérieurs à -20% enregistrés chez nos voisins allemands où suédois, et atteignant même -30% pour la Finlande. Elle masque également des niveaux croissance insolents, supérieurs à +10%, pour l’aéroport de Nice et celui de Paris – Le Bourget, riche en jets privés.
Bateaux de plaisance et camping-car, stars de l’été ?
Une fois le lieu de villégiature atteint, reste à occuper les longues journées sous le soleil. Et en la matière, force est de constater que les Français ont préparé leur été en se ruant sur des produits bien peu décarbonés : ainsi, l’association des sociétés financières (ASF) a enregistré au premier semestre 2022 une production de 1.789 M€ de crédits affectés aux deux-roues, véhicules de loisirs, accessoires automobile, bateaux de plaisance, en hausse de +11,5% par rapport à la même période en 2021. Plus précisément, l’engouement pour les très voraces et dispendieux véhicules de loisirs (camping-cars, fourgons aménagés et vans) ne se dément pas depuis la crise COVID, avec un bond de +33% de la fréquentation des aires de stationnement du réseau CAMPING-CAR PARK du 1er juin et le 30 août 2022, par rapport aux mêmes dates en 2021 : elle dépasse désormais le million de nuitées, avec certes une fréquentation des touristes étrangers en hausse de 11 points.
Une prise de conscience mesurée mais mesurable
Pour autant, si elle tarde encore à se concrétiser dans les faits, la prise de conscience écologique des Français n’a rien d’anecdotique. L’indice Nextrends, développé par C-Ways, confirme cette appétence renforcée pour le rural et la proximité. Ainsi, les mentions relatives au camping à la ferme sont en augmentation de +13% par rapport à 2021, celles concernant les vacances à la campagne de +21%, contre seulement +10% pour les vacances à la mer. En ce qui concerne les vacances locales, la progression atteint même +27%. Mais surtout, avec un été marqué par les méga-feux de forêt en Gironde, impossible d’imaginer que l’insouciance pourra rester le maitre mot des estivants dans les années à venir : l’augmentation des recherches internet relatives à l’empreinte carbone des vacances, à hauteur de +84%, en témoigne (ci-contre). Mieux encore, la SNCF a relevé une hausse de +10% de la fréquentation de ses trains longue distance sur l’été 2022 par rapport à l’été 2019, et le plan de sobriété énergétique présenté par le Gouvernement ce 6 octobre, encourageant ouvertement le recours au covoiturage et au ferroviaire, ne peut que confirmer cette propension dans les mois et années à venir.
Reste à savoir si ces tendances peuvent se concrétiser par de véritables mouvements de sobriété lors des prochains grands départs hivernaux et estivaux, ou si le refrain « vacances, j’oublie tout » continuera à résonner dans les têtes des Français. Rendez-vous en 2023, avec un point de passage à l’issue des fêtes de fin d’année puis en février/mars.
Thibaut FRANK